Saturday, May 31, 2008

L'écriture

Jack Kerouac en savait long sur l’écriture lorsque je le rencontrai pour la première fois en 1944. Il avait 21 ans ; il avait déjà écrit un million de mots et était complètement voué à son industrie. C’est Kerouac qui ne cessa de me dire que je devrais écrire, et nommer le livre Le Festin Nu. Je n’ai jamais rien écrit après le lycée et ne me considérais pas comme écrivain, ce que je lui dis. "Je n’ai pas de talent en écriture." J’avais essayé quelques fois, une page peut-être. La relire me procurait toujours un sentiment de fatigue et de dégoût, une aversion pour cette forme d’activité, à la manière de ce que doit ressentir un rat de laboratoire lorsqu’il choisit le mauvais chemin et se fait sévèrement réprimander par une aiguille en plein dans ses centres de déplaisir. Jack Kerouac persistait tranquillement à me dire que j’avais du talent pour l’écriture et que je devrais écrire un livre appelé Le Festin Nu. Ce à quoi je répondis, "Je ne veux rien entendre de littéraire."

William Burroughs, The Adding Machine, 1975-1977

1 comment:

Anonymous said...

Eh bien, "la fatigue et le dégoût", lorsque cela peut donner ce texte incroyable qu'est le Festin nu, ce n'est sans doute pas une mauvaise chose pour tout le monde...
Il est vrai pourtant que le livre en question lui-même n'est pas des plus "reposants"...